Exil(s)

Après avoir fui leur pays en guerre, aux portes de l'Europe, quel regard posent les réfugiés ukrainiens sur le monde. Derrière eux, leur vie, leurs familles, leurs amis, leurs maisons et souvent la disparition brutale d'êtres chers.
Comment sortir de ce chaos et recommencer à espérer sans savoir si l'on reviendra dans son pays et quand ?
Cette série photographique a été exposée, pour la première fois, à l'Espace Cosmopolis de Nantes, accompagnée d'un texte racontant chaque vie brisée. Le but était de montrer que derrière le terme "réfugiés", d'où qu'ils viennent quelque soit le conflit, il y a des visages et des histoires. Celui de l'Ukraine a sensibilisé plus que les autres car il est proche et nous montre ce que nous européens pourrions vivre, si tout s'écroulait en un instant.

Aleksey, Leila et Sofia – Karkiv Nous avons du mal à croire ce que nous avons vécu. Nous vivions dans la périphérie de Karkiv pas très loin de la frontière russe. Dès le 24 février les russes ont envahi et bombardé la ville

Alona - Kyiv J’avais une vie normale et travaillais sur des projets. La nuit du 24 février je n’ai pas dormis. J’avais un pressentiment. J’ai lu et regardé la télévision. À 5h, j’ai vu la vidéo du déclenchement de la guerre. C’était un cauchemar

Lidia - Vilshana et Olga de Karkiv Nous sommes nées toutes les deux à Kerson et nous nous connaissions pas l'exil a fait que venant de Vilshana et de Karkiv nous devenions amies en France. Olga a ses enfants près d'elle, on se soutient tous. Ça aide à supporter cette situation. Tout s'est écroulé si vite.

Iryna et Vlada - Vassylkiv Pas d’électricité, plus de magasins, plus rien. Le chaos total. J’ai décidé de prendre ma voiture. J’ai trouvé un peu d’essence et nous sommes parties. Il y avait des bouchons partout. J'ai roulé vers la Pologne. Nous vivons au jour le jour. Mais nous sommes à l'abri.

Lelik - Kyiv J’étais comptable dans un garage de Kyiv et je possédais un petit café qui marchait bien. Le matin du 24 février un ami m’appelle et me dit que les russes étaient là. Je n’y croyais pas. Ce n’était pas possible. Puis il y a eu des bombardements prés de ma maison.

Natalia - Tchernihiv Le 24 février 2022 à 6h un ami nous a appelé pour nous dire « la guerre a commencé ». J'ai un cancer du sein, les pharmacies étaient fermées.Avec mon mari nous avons roulé à l'Ouest du pays sans trouver un lieu pour nous réfugier. Après des semaines mon mari, épuisé, a décidé que je partirai seule. Il m'a déposé à la frontière polonaise. Ce fut un choc, un traumatisme.

Olha et Kiwi – Kyiv Je vivais à Kyiv et je travaillais dans la publicité numérique. Pendant trois semaines avec l’entreprise qui m’employait nous avons travaillé avec l’armée ukrainienne, en réalisant des publicités pour alerter le monde sur ce qui se passait chez nous. C’était épuisant. J’ai travaillé jour et nuit. Puis je suis partie avec mob chat et un chien. Je ne me souviens plus des trois premiers mois de mon exil.

Tatiana et Alieva Aisel Maria - Jytomyr Au début je ne voulais pas quitter le pays. Mais Jytomyr est une ville stratégique, on y trouve un centre de formation militaire. Elle a été constamment bombardée au tout début. Le 5 mars j’ai décidé de partir en bus. Jusqu'à ce que l'on soit prises en charge avec ma fille le voyage fut chaotique.

Ekaterina – Zaporijia J’habitais près de la centrale. Quand ils l’ont bombardée, le 2 mars, j’ai décidé de partir. Ma famille ne pouvait pas partir car mon père a 43 ans et mon frère 22 et ils sont mobilisables. Je ne sais ce que sera mon avenir.

Nadia, Oleg, Maria, Dimitri et Tares - Lviv Lviv est à 70 km de la frontière polonaise. Dés le 24 févriertous les magasins et pharmacies sont envahis.Mon second fils est atteint d’une maladie auto-immune qui nécessite un traitement régulier. Dans un premier temps nous décidons de prendre le train. C’était impossible. Partout, dans et autour de la gare, il y avait des familles, des enfants, des animaux qui attendaient depuis longtemps. Nous rentrons chez nous. Quelques jours plus tard un ami de l’Association Anjou Lviv nous propose de prendre un bus pour la France. Le 11 mars nous arrivons en France.

Svetlana Vasylenko , Zoe, Margot - Dnipro Chez moi j’enseignais le russe et l’histoire linguistique à l’université. Bien avant le 24 février 2022 j’avais l’intuition que les russes allaient attaquer. J’avais préparé mes sacs et mes documents. Ma fille Margot 8 ans est handicapée, je ne pouvais pas être prise de court. Nous sommes restées une semaine chez nous, mais le 2 mars la centrale nucléaire de Zaporijjia, située à 140km, a été bombardée en pleine nuit. Nous sommes parties pour un périple qui a duré un mois, avant de nous stabiliser. Mais j’ai encore beaucoup de mal. Je suis entre deux vies.

Olga Tatus et Avetik Mirzoyan - Kamenskoe Avec mon compagnon nous vivions à Kamenskoe dans la région de Dnepropetrovsk. Avetik est d’origine arménienne. Comme les raids aériens n’en finissaient pas nous étions dans les abris en permanence. Nous avons décidé de partir le 14 mars. Mes deux fils âgés de 26 et 24 ans sont restés car ils n’avaient pas le droit de sortir du pays. Je me fais du souci pour eux. . Cette guerre ce sont des vies estropiées, des destins brisés.